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LES GRACIÉS DE MAIGNAUT-TAUZIA
Deux meurtres impliquant un pay
Deux « faits divers » ont été récemment portés à notre connaissance l’un par Véronique Larcade, Maître de conférences à l’université de Bordeaux- Montaigne et l’autre par Bertrand Boquien, historien.
Un laboureur de Maignaut manie mortellement le pic
Raymond du Camyn laboureur habitant le village de Maignaut, blesse mortellement Guyrauld Despagnet d’un coup de pic au travers de l’estomac. Nous sommes le 9 juin 1564. Redoutant la justice locale, Raymond du Camyn va se constituer prisonnier auprès du roi qui séjourne alors à Mont-de-Marsan. Charles IX qui en compagnie de sa mère Catherine de Médicis fait une visite dans le Sud-Ouest pour raffermir le pouvoir royal, accède à la demande de grâce du laboureur et délivre une lettre de pardon qui le soustrait à toute peine, amende, offense corporelle et ordonne à toute autre juridiction de ne mener aucune poursuite contre lui. (récit complet ci-dessous..)
Ce texte a été porté à notre connaissance par une communication de Véronique Larcade,
le 5 août 2015 à La Société Archéologique, Historique, Littéraire et Scientifique du Gers
La conférencière, Maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne, nous a gracieusement communiqué ses sources précisant que sa mission et sa fierté étaient de bien transmettre les connaissances,
ce dont nous lui sommes fort reconnaissants
Nos remerciements également à Jacques Lapart secrétaire de la Société Archéologique du Gers
pour son compte rendu de la communication et pour nous avoir mis en relation avec Véronique Larcade.
Lettre de pardon de Charles IX
à Raymond
du Camyn laboureur, habitant Maignaut*
 ©DR
Charles, par la grace de Dieu roy de France, sçavoir faisons a tous presens et advenir, receue avons [sic] l'humble supplication de Raymond du Camyn, pauvre laboureur, habitant du villaige de Maignau au païs d'Armaignac, contenant que le IXE de juing mil VC LXIIII, il auroit esté travailler en la vigne du sieur de Damyan avec quelques autres laboureurs dudict pais, mesmes avec feu Guyrauld Despagnet, et combien qu'ilz feussent bons amys, ensemble auraient eu quelques propoz et differendz pour raison de quelques joinctures de beufz, sans toutesfois autrement se mesdire ou meffaire. Et ainsi que devers le soir le suppliant se retirait en sa maison, estant aupres d'un champ nommé Le Fons de la Vigne, il se seroit prins a relever ung fossé illec estant pour avoir la commodité de l'eaue en quelque sienne terre. Sur quoy ledict feu Despagnet estant survenu, l'en auroit voullu empescher, luy disant qu'il l'osteroit bien de la, comme de faict aprés plusieurs prapoz d'argu, luy aurait tiré ung coup du pic ou hou qu'il portoit, dont il l'aurait attainct sur ung braz, duquel ledict suppliant, offencé et craignant que ledict Despagnet ne redoublast le coup comme il en faisoit le semblant, luy auroit, pour la defence de sa per- sonne ou autrement, de chaude colle ( colère) tiré ung [coup] de son pic ou hou, de la teste duquel il l'aurait attainct de fortune au travers de l'estomach, en sorte qu'il serait tombé par terre, sans toutesfois qu'il y eust aucune effuzion de sang. Et s'estant relevé, chacun se retira en sa maison, s'entre disant plusieurs parolles injurieuses. Et combien que ledict suppliant ne pensast autrement l'avoir offencé, toutesfois il aurait entendu que neuf ou dix jours après, ledict Despagnet seroit deceddé, par faulte de bon appareil, gouvernement ou autrement. Duquel cas auraient esté faictes informations par le juge des lieux. Et ledict suppliant, crai- gnant rigueur de justice, se seroit absenté sans plus oser retourner audict païs, jusques a ce qu'ayant entendu que nous [318r] faisions nostre nouvelle entree en nostre ville du Mont de Marsan, il se seroit volontairement rendu prisonnier en noz prisons, dont en suivant nostre coustume, nous l'aurions faict delivrer par nostre grand aulmosnier, a la charge de prandre lettres de grace et remission de nous trois mois après, ce qu'il n'auroit peu faire pour plusieurs [cas] a luy survenuz, nous suppliant et reque- rant humblement que, attendu que ledict cas est advenu, estant ledict suppliant assailly et provoqué par ledict deffunct pour la defence de sa personne et cas fortuict, sans que ledit suppliant eust voulloir ne intencion de le tuer, en faveur de nostredicte entree le
 Charles IX par François Clouet
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