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L’agitation au niveau des communes
Maignaut (406 habitants) tout d’abord est entièrement gagné au parti de l’Ordre et applaudit le coup d’État. Le Chef de la police peut écrire au Préfet : « Cette commune n’a pas pris part au mou- vement insurrectionnel. Monsieur Le maire annonce dans son rap- port que personne n’a bougé et qu’il ne s’est pas manifesté la moindre agitation. »
48 heures, nous aurions aussi fourni notre petit contingent insurrec- tionnel. » En effet, à la nouvelle du Coup d’État, 4 habitants connus pour leurs opinions socialistes (Barrère, maçon, Florensan, cultiva- teur, Lestrade et Pomès, maçons) se sont rendus à Condom pour prendre des consignes auprès du Comité révolutionnaire. Sur place,
 Saint-Puy, (1674 habitants) est
agitée par des tentations révolu-
tionnaires, le tocsin sonne durant
2 heures. Le maire de Saint-Puy
raconte le déroulement des faits
dans sa commune : « Dans la nuit du
4 au 5 décembre plusieurs individus
connus pour leurs opinions exaltées
se rendirent à Condom pour prendre
avis des démagogues de cette ville,
ils rentrèrent après minuit. Vers les
cinq heures, on s’empara des clo-
ches au moment où le carillonneur
sonnait l’angélus. Elles furent mises
à toute volée pendant environ deux
heures ; on arrêtait de temps en
temps la volée pour sonner le toc-
sin. Peu d’habitants de la campagne
répondirent à leur appel. A six
Passage des insurgés à Nérac, le 4 décembre 1851 : départ pour Agen
heures et demie, on me fit demander
les armes de la garde nationale et les clefs de la mairie... Je résistai
ils ont appris la défaite des insurgés à Auch et la démission de la à leur demande avec toute la fermeté dont je suis capable et après
Commission révolutionnaire. Ils sont revenus dépités à Saint-Orens- leur avoir parlé le langage énergique de l’administrateur, je leur par-
Pouy-Petit. Le maire considère d’ailleurs que ces compatriotes de lai celui d’un bon père de famille, je leur fis comprendre combien
Saint-Orens-Pouy-Petit ne sont guère dangereux. « Les démocrates ils s’exposaient en m’adressant une pareille demande et que si par
amis du petit peuple suivant leur expression sont ici au nombre malheur parmi eux ils avaient recours à la violence qu’ils encourraient
d’une douzaine »... « leur singulière théorie, chez eux ne conduit les peines les plus graves, j’ajoutai même que s’ils rentraient tranquil-
qu’à des bavardages subversifs et non point à des actes de violence lement chacun chez soi je ne ferai aucun rapport sur ce qui venait de
». Il ajoute : « l’un d’eux vint me trouver et me dit qu’il était de l’opi- se passer. Au même moment tout le monde se retira... »
nion du petit peuple qu’il fallait soulager le pauvre, faire travailler
©Archives départementales du Lot-et-Garonne
Valence (1.674 habitants) ne connaît aucun mouvement insurrec- tionnel. Le maire adjoint explique au Procureur de la République : « La journée de jeudi dernier 4 décembre a été une journée d’émo- tion d’inquiétude, d’agitation dans tout le canton de Valence dans presque toutes les communes les cloches ont été sonnées à grande volée. On n’a pas heureusement répondu partout à cet appel à l’in- surrection et ce n’est que dans 5 ou 6 communes du midi du can- ton : Castéra-Verduzan, Beaucaire, Rozès, Bezolles, Justian, Roques qu’un nombre considérable d’habitants se sont se sont soulevés et se sont dirigés sur Auch...« A Valence, les nouvelles reçues de Paris ou contribué pour beaucoup à rétablir le calme et la tranquillité. » Il souligne également que la présence d’une brigade de Gendar- merie à Valence a pu produire un effet,
Saint-Orens-Pouy-Petit (455 habitants) est resté également calme, mais dans un témoignage remarquable sur l’opinion publique du territoire, le maire affirme : « si la démagogie eût triomphé
l’ouvrier, ajuster les droits de cave, diminuer les impôts et les répartir surtout avec égalité, que le petit payait en proportion plus cher que le riche, autrement on verrait des malheurs mais que quant à lui, il ne se révolterait jamais qu’il désapprouvait la violence. »
Le maire de Saint-Orens-Pouy-Petit témoigne aussi de la répression féroce organisée contre les insurgés et de la peur qu’elle inspire. Il témoigne : « Un fait m’a été rapporté le sieur Bajolle aurait dit qu’il y avait dans une maison du village un fuyard de Condom, qu’il avait vu mais qu’il ne voulait pas faire connaître ni la maison ni l’individu. Il est également rapporté que les fuyards de Condom traversent le bois de Saint-Orens pour se cacher et trouvent l’hospitalité la nuit dans quelques maisons près des bois situés sur les confins des com- munes de Saint-Orens, de Roquepine et de Saint Puy. J’ai aperçu un jour, un nommé Paul Biron accompagné d’un nommé Lary fuyants en traversant les bois de Laplagne, on croit qu’ils sont aux environs ou chez un nommé Tuchet de Saint Puy, beau-frère de Biron. »
Les fuyards seront rattrapés, enfermés dans la prison de Condom puis déportés.
En définitive, contrairement à l’image d’Épinal d’un monde rural gersois entièrement soumis à l’Empereur, une partie de la population rurale du Gers a montré durant quelques jours une défense énergique de la République et des principes socialistes qui lui vaudront une répression impitoyable. L’insurrection prit parfois les habits de la « grande révolution », mais elle se fit au nom des grands principes. Aucun acte de vio- lence contre les biens ou les personnes ne fut à déplorer. La participation des petits paysans est un des faits remarquables de cet événement historique. Au fil du temps, l’empreinte socialiste est restée forte dans les communes insurgées. Cependant, après vingt ans de prospérité sous le Second Empire, le monde rural deviendra conservateur et il sera long à accepter la République. n François-Xavier Merrien
4 Lettre de Maignaut Passion - N°25 Janvier 2024

























































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