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La petite guerre du curé Castéran
 Médaille du Banquet des Maires au nom de Paul Boué (22/09/1900)
Aux alentours de 1900, les luttes entre « clé-
ricaux » et « anticléricaux » battent leur plein
dans toute la France. Dans les villages, elles
opposent souvent le curé et l’instituteur. À Mai-
gnaut-Tauzia, la lutte entre le curé, Jean-Bap-
tiste Castéran et l’instituteur public, Jean-Léon
Planté, donna lieu de la part du curé à des
débordements qui entraînèrent des plaintes
auprès du tribunal de Condom. Cent-vingt ans
après, on retient surtout le côté pittoresque de
ces vieilles histoires qui prêtent maintenant à
sourire. Elles montrent cependant le degré de
virulence que pouvaient atteindre ces batailles.
On y trouve aussi l’évocation d’une ancienne
coutume, la jonchée parodique, longtemps
pratiquée dans les villages pour stigmatiser
anonymement les relations adultères supposées entre deux personnes. Merci à Jean-Jacques Dutaut-Boué qui, après avoir repéré cette affaire au cours de ses recherches, nous l’a signa- lée et nous a aimablement communiqué ses documents1.
Maignaut, année 1900
La petite guerre bat son plein entre le curé, Jean-Baptiste Casté- ran, et l’instituteur public, Jean-Léon Planté, et leurs amis respec- tifs. Ces polémiques villageoises sont relayées par la presse dépar- tementale, très politisée. Le Clairon plébiscitaire (bonapartiste), répond à La Fraternité (républicaine). Mais on ne se contente pas de polémiquer dans les journaux. Un matin de février 1900, on découvre un ruban de plumes semées pendant la nuit entre le domicile de l’instituteur et celui d’un couple de ses concitoyens. La coutume, version malveillante de la jonchée nuptiale disposée entre les maisons des mariés, est censée dénoncer des relations coupables entre le maître d’école et une femme mariée. Ici, on a utilisé des plumes. Ailleurs, ce sont des haricots, des fougères ou de vieilles chaussures2. On découvre aussi des écrits injurieux pour l’instituteur, placardés sur les murs du clocher de l’église et
« Notre-Dame du balai »
« Manœuvre cléricale ...
On nous écrit de Valence
Dans une petite localité voisine de Valence, la journée du 6 mai a été une victoire républicaine. Cependant, grâce à une savante combinaison longuement étudiée par le rutilant et bedonnant abbé de l’endroit, un jeune commensal du presbytère avait accepté la peu digne mission d’enlever l’écharpe municipale à un vieux et sincère démocrate, non habitué à prendre un mot d’ordre à la sacristie. Pendant toute une semaine, le jeune pos- tulant s’est époumonné pour relancer ses collègues récalcitrants – Enfin, au dernier coup de pédale, dans la nuit du 19 au 20, sur 10 conseillers, il s’était vanté qu’ils montaient à l’assaut 6.
Le succès apparaissait tellement certain que l’abbé avait déjà choisi la fidèle pénitente qui devait procéder au nettoyage de
sur le préau de l’école, ainsi qu’à l’entrée et à la sortie de Valence. Une seconde fournée d’affiches, trois semaines plus tard, attaque l’instituteur dans des vers en gascon tout aussi injurieux. Le jeune Émile Sentex, 19 ans, domestique à Lassalle, est dénoncé. Il avoue aux gendarmes de Valence « avoir écrit et pla- cardé les affiches » mais assure que c’est à l’instigation du curé. Celui-ci les lui aurait dic- tées. Les gendarmes de Valence interrogent donc le curé Castéran, qui nie farouchement. Il se retrouve pourtant assigné devant le tribu- nal d’instance de Condom, accusé d’injures et de diffamation.
Arrivent les élections municipales, au début
du mois de mai. Elles voient la victoire des Républicains. Il reste à élire le maire. Ses adversaires ont-ils essayé de faire barrage au maire sortant, Paul-Marie Boué, en « retournant » quelques élus de son camp ? C’est ce qu’assure un énigmatique « ami du Général3 », dénonçant une « manœuvre cléricale » dans un article paru le 27 mai dans La Fraternité. Il inaugure une polémique qui semble s’être conclue au tribunal, comme l’affaire précédente. Car un tout aussi mystérieux « P.A. L. » réplique le 3 juin dans Le Clairon plébiscitaire. Persuadé que l’« ami du Général » n’est autre que l’instituteur (ce que La Fra- ternité dément), il s’en prend à lui en termes insultants. Attaqué en justice, le curé Castéran reconnaît être l’auteur de l’article. On ignore s’il fut condamné à l’issue de ces deux procès. Mais on constate en tout cas, qu’un nouveau curé, l’abbé Mouriau est en poste à Maignaut en 1901. L’abbé Castéran a probablement
été déplacé à la suite de cette affaire. Bertrand Boquien
1 -A.D. Gers, 2 U 116 / 91.
2-Christian Desplat, Charivaris en Gascogne, Pau, 2007.
3- Le sens de certaines allusions, certainement très claires pour les lecteurs de l’époque, nous échappe.
la maison commune, et ce n’était pas un spectacle banal que de voir, dimanche matin, notre valeureuse amazone sillonner les rues de la cité armée d’un balai béni et vengeur, acquisition pro- bable du presbytère. Mais, ô fragilité des promesses humaines ! il ne s’est trouvé qu’une voix pour désigner le candidat du curé, et la pauvre guerrière en sera pour le pittoresque sobriquet de Notre Dame du Balai dont le Gascon, toujours facétieux, l’au- rait déjà baptisée. Quant au candidat malheureux il a fait contre fortune bon cœur, et fuyant sous la douche finale, il a déclaré comme le renard de la fable, que les raisins étaient trop verts.
Espérons cependant que le fameux balai trouvera bientôt un plus utile emploi – quoique moins laïque – que celui d’un net- toyage municipal auquel il était tout d’abord destiné – c’est le vœu unanime de la population de la commune et aussi le nôtre. ... Un ami du Général »
 Extrait du Réveil des communes du 27 mai 1900, Arch. départ. du Gers, 2 U 116 art. 91.
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