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   La sidérurgie médiévale
es origines jusqu’à la fin du Haut DMoyen Age, le fer n’est produit qu’en petites quantités, dans des bas fourneaux installés à proximité de la forêt et des sites ferrifères. Vers le XIIe siè- cle, l’accroissement démographique, les essartages et la mise en culture de nouvel- les terres nécessitent une production de métal plus importante. Certains ordres monastiques, dont celui de Cîteaux, sont à l’origine de cet essor. Très vite ils s’em- ploient à rechercher de nouvelles tech- niques pour amplifier la production, répon-
dant ainsi à de nouveaux besoins.
Le bas fourneau, utilisé jusqu’alors pour « réduire » le minerai, est amélioré : sa taille augmente, son chargement est plus aisé et les souffleries se perfectionnent. Ces moyens fourneaux sont maçonnés en « dur », et pour ne pas perdre l’inertie de la
chaleur, fonctionnent en
continu pendant une
grande partie de l’année.
Leur implantation doit
répondre à la trilogie
« mine - forêt - eau ».
Les mines, que l’on
appelle « minières » ou
« mineraie » à l’époque,
sont à ciel ouvert ; l’ex-
traction se fait à la belle
saison. La forêt fournit
le taillis que les charbon-
niers transforment en
charbon de bois. L’eau
enfin, rivière ou étang
artificiel, est utilisée
pour laver le minerai, et
sa force hydraulique
actionne de nouveaux
systèmes mécaniques nécessaires à la forge.
Les fourneaux sont emplis en alternant des couches de charbon de bois et de mine- rai ; de la réduction de cette « masse » mise en combustion, et avec les moyens de souf- fleries de l’époque, on n’obtient pas une fusion de métal liquide, mais plutôt un magma, comme un éponge chargée de sco- ries et d’impuretés. Cette « loupe », tirée du creuset (partie inférieure du fourneau) doit être réchauffée, puis battue et rebattue afin de l’apurer et de la rendre homogène. Cette opération de « cinglage » s’effectue à bras d’hommes et après de multiples passes de chauffe et de travail on obtient un lingot de fer, plus ou moins important, que l’on appelle « lopin ». Dans un premier temps, c’est sous cette forme que le fer est vendu aux différents corps de métiers qui le tra- vaillent. Le cinglage manuel est une opéra- tion longue et pénible ; il semblerait que vers la fin du XIIe siècle apparaisse le martinet1 hydraulique : un acte de 1197 en fait men-
tion dans un domaine suédois, du monastère de Soroë. Le XIIIe siècle connaîtra l’âge d’or de cette production sidérurgique.
Ce procédé direct donne des fers doux d’une excellente qualité, très peu chargés en carbone, ou plus ou moins alliés selon les provenances, ductiles et malléables, se soudant très bien à chaud. Au XIVe siècle, les conflits et les épidémies de peste, ralen- tissent considérablement la production de métal; les grandes foires du royaume ne peuvent plus répondre à la demande ; les marchands doivent en importer, princi- palement du nord-ouest de l’Espagne (Pays Basque), de Catalogne, mais aussi d’ Angleterre et d’ Allemagne.
A la fin du XIVe siècle, apparaît le haut fourneau; il semblerait que cette nouvelle technique ait vu le jour dans la Ruhr ou dans la région de Liège. Combinant les
charbon de bois qui sont nécessaires provoquent des déboisements aux funestes conséquences....
Les métiers du fer au Moyen Age : forgerons, fèvres et serruriers
Au Haut Moyen Age, les forgerons représentent une véritable caste; ce sont des artisans hors du commun, respectés, dotés de pouvoirs extraordinaires puisque capables de transformer de vulgaires cailloux rougeâtres... en lames d’épées, couteaux, outils divers. De leur production, il nous reste des armes exceptionnelles, quelques outils, mais bien peu d’éléments de serrurerie, quelques clefs, de la quin- caillerie et voilà tout.
A partir du XIIe siècle, de nombreux artisans travaillant le fer viennent s’installer à proximité, et sous la protection de certains
monastères, là où est produite la matière première qui leur est néces- saire. Il fabriquent l’outillage et tout ce qui est indispensable aux popula- tions de la région. Dans les bourgs et les cités, ils occupent une place importante, et se regroupent rapide- ment en confrérie, avec Saint-Eloi pour patron. Ces sociétés de « fèvres » travaillent différents métaux (aujourd’hui, il nous reste le terme d’orfèvre).
Au XIIIe siècle, les confréries se structurent et se scindent en corpo- rations, régies par des statuts et une organisation plus stricts; elles défendent les intérêts de leurs artisans et surveillent la qualité de leurs ouvrages.
A la demande du Roi Louis IX, Etienne Boileau, Prévost de Paris, rédigea vers 1260 le Livre des Métiers qui codifie les statuts des corporations. Parmi les arti- sans du fer, nous trouvons :
- les fèvres maréchaux : qui ferrent les animaux de trait
- les fèvres heaumiers (« helmiers ») : fabriquant armes et armures
- les fèvres grossiers : travaillant unique- ment de grosses pièces : grilles, pentures... - les fèvres greiffiers : qui forgent ce qui est nécessaire aux renforts des maçonneries - les fèvres vrilliers : produisant de l’ou- tillage : vrilles, tarières, forets
- les fèvres taillandiers : pour les outils tranchants
- les fèvres serruriers : fabriquant serrures, clefs, verrous...
Cet aperçu succinct de la production et des métiers du fer nous permettra d’aborder le prochain article « Serrures et verrous ».
1. Martinet : Lourd marteau de forge dont le mouvement mécanique est actionné par un moulin hydraulique.
par Philippe de Saint-Wandrille
  Femme fabriquant des clous (miniature duXIVe siècle).
mêmes éléments, minerai et charbon de bois, avec des souffleries mues maintenant par la force hydraulique, des évents et des tuyères perfectionnées, il réduit à des tempé- ratures bien supérieures. On n’obtient plus une loupe comme autrefois mais une fonte liquide de métal. Ces gueuses de fonte, très chargées en carbone (entre 2 et 5 %) sont inutilisables telles quelles. Il faut les « affiner » et les décarburer, pour obtenir un fer doux de qualité. Après de multiples pas- sages dans des fours d’affinage, portés aux limites de la fusion avec un apport d’air important et de nombreux cinglages au martinet, on obtiendra un fer commercialisé sous forme de lopins, ou semi-fini en barreaux de différentes sections.
A l’extrême fin du XVe siècle apparaissent les premiers « laminoirs » et « fenderies », mus par la force hydraulique, la sidérurgie commence à s’industrialiser, les extrac- tions à ciel ouvert font place aux mines souterraines, et les énormes quantités de
  



















































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