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 L’emban, « où on ensevelit
ordinairement les enfans »
L’emban est ce porche à demi-ouvert, adossé au mur des églises gersoises, où se tenaient généralement les réunions de la communauté. Henri Polge note dans une étude qu’il sert fréquemment de lieu d’inhumation4. Les registres paroissiaux de Maignaut et d’Auloue révèlent qu’on y enterre les petits enfants. Marie Laurens, âgée d’environ 7 ans, décédée le 4 septembre 1696, est inhumée « devant l’église de Maignaut soubs l’auban où on ensevelit ordinairem(en)t les enfans ». Quelques jours plus tard, Joseph Haché, mort au même âge, est inhumé « sous l’auban de l’église ». Une autre inhumation sous l’emban est signalée une quarantaine d’années plus tard : Catherine Canterac, morte à 4 ans et 2 mois en 1739, est ensevelie « soubs le porche de l’église ». Même pratique à Auloue où Jeanne Bajole, morte à 3 ans à Augé, est inhumée « sous le porche de l’église » le 16 août 1776. On sait que l’assemblée des habitants se réunissait généralement sous l’emban de l’église (le fait est souvent attesté à Maignaut). La proximité des vivants et des morts n’aurait pas pu être plus grande.
Le sonneur de cloches
Les registres font apparaître un personnage dont la fonction est importante dans la vie des paroisses : le sonneur de cloches. On le trouve mentionné de temps en temps dans les actes. Dommenges Aché, dit Melet, est présent comme sonneur de cloches au baptême de Guillaume Florensan le 25 janvier 1702. Son nom revient fréquemment dans les actes jusqu’en 1704, sans qu’il soit qualifié de sonneur, mais c’est sans doute à ce titre qu’il assiste aux baptêmes et aux enterrements de l’église de Maignaut.
On trouve surtout représentés deux noms de famille : les Ladouix (ou Ladouch) et les Marestan (ou Marestaing). Pierre Marestaing est mentionné comme sonneur en 1695, Arnaud Ladouix à partir de 1697. Après eux, on trouve d’autres Ladouix et d’autres Marestan dans la fonction tout au long du XVIIIe siècle. Laurent Marestan, mentionné comme sonneur de cloches de l’église d’Auloue en 1754, semble déjà exercer cette fonction en 1743. C’est probablement le fils de Pierre et le père de Jean Pierre, mentionné comme sonneur en 17755.
Gens de Maignaut et du Tauzia au XVIIIe siècle
Suite et... à suivre
     Jean Boyer, « maître ès arts en peinture »
On trouve dans les registres de Maignaut la mention assez rare d’un artiste de profession, plus précisément un peintre. Jean (ou Jean-Baptiste) Boyer, qui vit à la Salle de Meric (aujourd’hui Lassalle) dans la première moitié du XVIIIe siècle, est qualifié de « peintre » dans l’acte de baptême de sa nièce, Anne Boyer (21 avril 1722), et dans de nombreux actes ultérieurs. Ce n’est pas un simple tâcheron : dans son testament du 24 avril 1731, il est précisé qu’il est « m(aîtr)e ès arts en peinture »6. Il meurt le 26 octobre 1747, à 73 ans. Malade, il avait dicté quelques jours avant un nouveau testament. Il est enterré le 27 octobre « dans lesglise dud(it) Maignaud et tombeau de ses ensestres », comme il le souhaitait. Nous ne savons rien sur son activité. Peut-être travaillait- il pour les églises de la région, qui ont dû commander de nombreux tableaux et autres œuvres à des peintres pour la décoration des sanctuaires.
Jean Ladouix est mentionné en 1743 et 1752. Il est aussi tailleur, ce qui indique que sa fonction de sonneur ne l’ empêche pas d’ exercer un métier. Guillaume Ladouch, probablement son fils, est mentionné en 1777 et 1784, et François Ladouch en 1775. Chaque église a son sonneur
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de cloches et il semble qu’on se succède souvent de père en fils dans la fonction.
L’église interdite
Le registre des sépultures de Maignaut de 1743 indique à la date du 1er août que Barthélémie Canterac, une enfant morte à 15 jours, a dû être enterrée au cimetière et non dans l’église, celle-ci « étant interdite faute de lambris et autres réparations ». L’édifice était donc en mauvais état et la fabrique – à moins que ce ne soit de la responsabilité de la communauté – devait traîner des pieds pour faire les réparations. L’église avait donc été « interdite » par l’évêque. On n’y célèbrerait plus les offices tant que les réparations ne seraient pas faites. En attendant, les habitants étaient obligés de se rendre dans les églises voisines pour assister aux offices. La décision « d’interdire » une église n’était pas rare au XVIIIe siècle. Elle visait « à faire pression sur l’admi- nistration civile et sur les fidèles pour obtenir les restaurations nécessaires aux lieux de culte, création ou transfert de cimetière ou autres exigences7 ».
Le débordement des rivières
Aujourd’hui, on traverse l’Auloue ou la Gèle sans s’en apercevoir (sauf circonstances exceptionnelles comme en 1977). Ce n’était pas le cas au XVIIIe siècle et les crues rendaient souvent les communications difficiles. On en trouve deux exemples dans les registres paroissiaux de Maignaut. Jean Boyer, dont les parents habitent la métairie du Tauzia, appartenant à la paroisse d’Auloue, est baptisé « dans l’église du présent lieu [de Maignaut] à cause de l’inondation des eaux » le 28 novembre 1706. Le 21 juin 1726, Joseph Dubedat, « des métairies d’Aueron parroisse de Bertin » est baptisé à Maignaut « à cause de l’inondation des rivières ». Il est difficile de comprendre aujourd’hui ce qui empêchait le curé de se rendre de Maignaut à Auloue, aucune vallée ne séparant les deux églises. En revanche, on comprend mieux l’impossibilité pour le vicaire de Valence de se rendre à l’église de Bertin, puisqu’il lui fallait traverser l’Auloue. Rappelons qu’on baptisait l’enfant en général le lendemain de la naissance, sinon le jour même. Pas question d’attendre la décrue !
Ces quelques notes donnent une idée de la richesse des registres paroissiaux pour l’histoire locale. Le dépouillement exhaustif en cours des registres de Maignaut, Auloue et Bertin permettra de présenter une étude plus complète de la population des trois paroisses.
Sources
Arch. départ. du Gers, 5 MI 139, 202 et 208
(registres paroissiaux de Maignaut, Auloue et Bertin).
Merci à Jean Paul Lelu pour son aide
1- Tant que les baptêmes et les sépultures figurent sur les mêmes registres.
2- Lecture incertaine.
3- Le bord et un coin de la page sont coupés ou rongés.
4- H. Polge, Origines, fonctions et destinées de l’emban des églises rurales du Gers, Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Gers, T. 59, 1958, p. 217-223.
5- Les filiations sont attestées par les actes, sous réserve d’homonymie.
6- A.D. Gers, 3 E 2592.
7- Georges Courtès, Interdits d’églises et de cimetières
dans la région de Saint-Clar, B S.A.G., T. 106, 2005, p. 212-232.
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