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contre-offensives de cette année décisive ont-elles eu pour conséquence de longs mois sans revenir au pays. La durée des séjours varie : une grande semaine à l’automne 1916, 20 jours fin juillet- début août 1917. C’est l’occasion de participer aux travaux et de reprendre en mains les affaires de la ferme. Il se plaint en effet du peu d’efficacité de son personnel qui finit par quitter la ferme au début 1918. « Lorsque j’allais en permission je me désolais de travailler tout le temps, et lorsque j’y revenais au bout de quatre mois ils étaient au même point d’où je les laissais. Si j’étais là toutes ces histoires n’arriveraient pas, c’est moi qui en suis le plus souffrant. » Permissions consacrées au travail, donc : « C’est donc la saison de dépiquer et suis sûr que dans certains endroits ce travail est déjà fait. J’aurais bien voulu faire comme l’année dernière : être là pour vous aider » (11 août 1918). « Lorsque je suis venu en permission ce mois de juillet, j’en ai profité pour dépiquer, tirer le fumier et rompre le champ de Mme Desbaratz. (10 juin 1918). « ... je ne m’attends pas à venir avant la fin septembre. Tant qu’à faire, je voudrais bien me trouver là pour vendanger. (16 août 1918).
Les foires scandent l’année. Dans sa correspon- dance, Émile Ransan fait souvent allusion aux foires passées ou présentes de Valence et de Condom. « Je dois repartir le 25, jour de la foire de Condom » (13 novembre 1916), « C’est donc aujourd’hui la foire à Valence » (16 février 1916), « Je me souviens aussi que l’année dernière pour la foire de Condom de la St Jean, je venais de permission et repartais ce jour-là pour l’Alsace » (8 juillet 1917) , « La foire de Valence cette même année [1889] aussi n’a pas pu se tenir à cause de la neige » (19 janvier 1918).
Il suit les affaires de famille, mais avec distance. Elles ont peu d’importance pour qui risque sa vie tous les jours au front : « Si j’étais là toutes ces histoires n’arriveraient pas, c’est moi qui en suis
le plus souffrant. J’en suis quitte pour faire du mauvais sang, et en ce moment ce qui m’intéresse le plus c’est ma peau, quoique voilà bientôt quatre ans de guerre j’en ai vu un peu de tout et je crains de ne pas avoir vu le plus mauvais ». (10 juin 1918).
Et voilà que dans les derniers mois de la guerre, on lui confie des tâches administratives. Il ne s’en plaint pas, mais ne s’y sent guère à l’aise : « Ici nous faisons des travaux : sapes et tranchées ; pour moi, je m’en suis dispensé pendant près de trois semaines d’aller au travail et m’en dispense encore quelquefois, mais pas si souvent. Figurez-vous que lorsque c’est possible, on me donne du travail pour écrire au bureau. Vous devez bien supposer que ce n’est pas trop un travail de ma compétence, mais enfin on s’en contente très bien. » (24 mai 1918). A l’automne, on lui confie de nouveau un travail de bureau. Il écrit le 2 novembre : « j’ai repris le travail que je faisais ce mois de mai et de juin (de secrétaire). Je suis planton au bureau du bataillon. Je fais les commissions qu’il y a à faire, et j’écris la plus grande partie du temps. (...) J’aimerais pour- tant tout autant avoir une pioche ou une charrue entre les mains comme un porte-plume. » Et encore le 21 janvier 1919 : « Je préférerais certainement mieux faire le laboureur, c’est un métier qui me va bien mieux, car j’ai plutôt la main faite pour labou- rer ou bêcher que pour écrire. Enfin je fais ce que je sais et tout le monde est content ».■
Archives familiales de Jean-Jacques Dutaut-Boué, trans- mises par son grand-père Albert Dutaut. Merci également à Mme Suzanne Ducasse, Mme Suzanne Ransan, M. Jean- Claude Ransan. Les lettres ont été transcrites par Jean- Claude Bilheran.
 Le texte complet sur la Grande Guerre est en ligne dans
le livre numérique sur www.maignaut.com
N°37 ● MAIGNAUT PASSION Info ● 17


























































































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