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Lettres d’un maignautois pendant
la Grande Guerre
par Bertrand Boquien
Grâce à Jean-Jacques Dutaut-Boué, nous avons eu communication des lettres adressées par un maignautois, Émile Ransan, à ses proches, pendant qu’il était au front. Né en 1875, Émile Ransan était cultivateur à Bolle, où il a habité toute sa vie, hors ses
3 années de guerre, et où il est mort en 1959. Il avait 40 ans lorsqu’il fut mobilisé à l’automne 1915. Cet homme mûr était aussi un jeune marié : il avait épousé l’année précédente Jeanne Rieumajou. De sa correspondance, il est resté une liasse de 56 lettres et cartes postales, adressées entre le 2 octobre 1915 et le 21 janvier 1919 à ses cousins Albanie et Ambroise Dutaut, habitants Montereau, dans la commune
de Maignaut. A travers ses lettres,
on revit sa guerre au quotidien. Mais elles sont aussi pleines d’allusions au « pays », de préoccupation pour
les travaux agricoles qui se font sans lui, ou de nostalgie de sa vie à Maignaut,
comme le montre cet extrait du chapitre consacré à sa correspondance..
Le cœur est resté au pays
 14 ● MAIGNAUT PASSION Info ● N°37
©Collection particulière
L’intérêt des lettres d’Émile Ransan ne réside pas seule- ment dans l’aperçu qu’elles donnent de la vie quotidienne d’un soldat « territorial ». Dans sa correspondance, il effectue en pensée un aller-retour permanent entre le pays, où son cœur est resté, et le
Emile Ransan appartenait au
133e Régiment d'Infanterie Territoriale.
front : « nous entendions continuellement le mau- dit ronflement des avions, tellement que je me croyais chez nous à entendre le bourdonnement des batteuses » (29 août 1917). La météorologie au front lui inspire des considérations sur le temps qu’il doit faire à Maignaut et ses conséquences sur les cultures : « C’est donc aujourd’hui la foire à Valence. Si le temps est beau comme ici je suppose qu’il y aura eu du monde » (16 février 1917). « depuis trois jours nous avons la pluie et le temps est froid comme au mois d’octobre. S’il fait pareil chez nous, ceux qui sont en retard pour le dépi- quage auront un mauvais temps pour faire ce tra- vail » (29 août 1917). « Depuis bientôt huit jours, nous sommes au mauvais temps, pluvieux et froid. S’il fait ainsi chez nous, vous trouverez mauvais semer ». (9 octobre 1917). « Aujourd’hui il fait un beau soleil mais le vent est froid. S’il a fait ainsi chez nous, ils auront eu un mauvais temps pour finir de vendanger. Savez-vous s’ils ont fini ? » (18 octobre 1918). « Je crois que s’il a fait beau chez nous comme il a fait ici, on en aura profité pour commencer de semer » (2 novembre 1918). De là-bas, il commente les menus événements mai- gnautois. Le « tue-cochon » est un événement : « Jeanne [sa femme] m’a écrit aujourd’hui qu’elle était rentrée de Tougnet et qu’ils devaient tuer le cochon mardi. Je suppose bien que vous y étiez



















































































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